Les Irakiens mettent en garde contre un projet occidental de déplacer les habitants de Gaza dans le désert d’Anbar

Les Irakiens mettent en garde
contre un projet occidental
de déplacer
les habitants de Gaza
dans le désert d’Anbar

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Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Si l’idée de déplacer des Palestiniens dans la région irakienne d’Anbar peut sembler improbable, les conflits soutenus par l’Occident ont déjà entraîné le déplacement de millions de personnes dans la région, dont beaucoup semblent être le fruit d’un projet démographique bien prémédité.

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L’implantation de Palestiniens dans le désert d’Anbar, dans l’ouest de l’Irak, est redevenue un sujet de discussion pour les Irakiens, grâce au « deal du siècle » défendu par les États-Unis.

Dès février 2020, le député irakien al-Baldawi, représentant de la coalition al-Fatah au Parlement irakien, affirmait :

« Les États-Unis complotent pour empêcher les Hachd al-Chaabi [Unités de mobilisation populaire] d’accéder aux provinces occidentales de l’Irak, en particulier à la province d’Al-Anbar, afin de créer un terrain propice à l’accueil des Palestiniens à l’intérieur de l’Irak. »

Mais, aujourd’hui, le regain d’intérêt pour le sujet coïncide avec la récente visite, non médiatisée, de l’ambassadeur britannique en Irak dans le gouvernorat d’Anbar.

Depuis que le plan de paix de l’ère Trump a été dévoilé en 2019, des rapports ont fait surface suggérant que la présence continue des États-Unis dans l’ouest de l’Irak avait des intentions plus larges que l’établissement de bases militaires.

On suppose que l’objectif est de créer, dans le désert d’Anbar, une « patrie alternative » pour les réfugiés palestiniens. Cette idée aurait pu rester confinée au domaine des « théories du complot » si elle n’avait pas été suggérée par les dirigeants israéliens eux-mêmes à la suite de l’opération de résistance du 7 octobre, Déluge d’Al-Aqsa, et de l’agression coloniale génocidaire sans précédent contre la bande de Gaza.

Le projet d’une nouvelle Nakba

En Israël, les médias ont divulgué un document publié par le ministère du Renseignement, proposant le déplacement de 2,4 millions de Palestiniens de Gaza vers la péninsule du Sinaï en Égypte et vers d’autres régions, une idée fortement rejetée à la fois par Le Caire et par Amman.

La fuite du plan a ravivé l’intérêt des Irakiens pour le projet éventuel de déplacement des Palestiniens vers l’Anbar. Les craintes d’une nouvelle Nakba ont trouvé un écho dans les déclarations de dirigeants politiques et religieux irakiens, notamment de personnalités comme Moqtada al-Sadr et Qais al-Khazali, ainsi que de représentants du parlement irakien — en particulier ceux qui sont originaires du gouvernorat d’Anbar.

Le chef de l’Alliance pour la résolution nationale, Jamal al-Karbouli, a condamné « les projets suspects qui tentent de déplacer les Palestiniens hors de Palestine » et a mis en garde « tous ceux qui osent aller trop loin avec le peuple de l’Anbar et faire don de leurs terres pour plaire à leurs maîtres ».

Les déclarations de Karbouli ont incité le président du Parlement, Mohammed al-Halbousi, représentant de l’Anbar au Conseil, à rejeter catégoriquement toute tentative de mise en œuvre du « deal du siècle » en Irak.

Mais, des observateurs comme l’analyste politique Mohsen al-Amiri pensent que les affirmations de Karbouli ont forcé Halbousi à publier un démenti : « Il semble que le représentant de l’Anbar au parlement, al-Halbousi, qui entretient des relations étroites avec les pays étrangers, en particulier les Émirats arabes unis [les Émirats arabes unis ont mené le processus de normalisation arabe avec Israël], ait tenté de prendre ses distances par rapport à ces accusations. »

Des intentions cachées pour l’Anbar

Le débat sur le plan israélien de déplacement de la population de la bande de Gaza a coïncidé avec la visite inopinée de l’ambassadeur britannique en Irak, Stephen Charles Hitchen, dans le gouvernorat d’Anbar. Hitchen a été à la tête de l’équipe politique iranienne du ministère britannique des Affaires étrangères au début des soulèvements arabes et a rapidement gravi les échelons pour diriger les efforts de sécurité nationale dans l’ensemble de la région.

Il convient de noter que les réunions de Hitchen se sont limitées à deux responsables du parti Taqadum qu’il a rencontrés séparément, à savoir le gouverneur de l’Anbar, Ali Farhan al-Dulaimi, et le maire de Ramadi, Omar Dabbous. Ces personnes détiennent une autorité importante sur les unités administratives et les terres du gouvernorat d’Anbar.

Une source au sein de l’administration locale informe The Cradle que l’ambassadeur britannique a discuté de la construction de complexes résidentiels à bas prix, financés par la Grande-Bretagne, dans les zones désertiques à l’ouest du gouvernorat. Il a également évoqué des projets de désalinisation de l’eau, bien que la nature et l’objectif exacts de ces initiatives n’aient pas été révélés.

La source indique à The Cradle qu’il y a eu des instructions strictes pour garder la visite de l’ambassadeur britannique confidentielle et ne pas publier d’informations à ce sujet sur le site web du gouvernorat.

Un journaliste basé dans l’Anbar explique que les visites des ambassadeurs étatsunien et britannique dans le gouvernorat font souvent l’objet d’un black-out médiatique, précisant que « nous n’apprenons ces visites que des jours ou des semaines plus tard, par coïncidence ».

Malgré toutes les tentatives pour obtenir une confirmation de cette information auprès des responsables de l’administration locale, certains ont refusé de commenter et d’autres ont affirmé ne pas être au courant de cette visite. Toutefois, une photographie a été obtenue qui montre l’ambassadeur britannique rencontrant le maire de Ramadi à l’intérieur du bâtiment municipal.

Une source politique irakienne, craignant que l’Anbar ne soit manipulé pour servir les intérêts de Washington, parle à The Cradle de la fréquence croissante des visites étatsuniennes et britanniques, tant publiques que secrètes, dans le gouvernorat.

Mais, l’analyste politique Mohammed al-Anbari s’étonne de la visite d’un représentant d’une grande puissance à un maire local dont les responsabilités se limitent généralement à la gestion urbaine et à l’assainissement. Il déclare à The Cradle : « Ces visites suspectes ne se sont produites qu’après qu’un parti a pris le contrôle du gouvernorat d’Anbar et de ses services gouvernementaux. »

« L’Anbar autonome »

En décembre 2022, le président du Parlement Halbousi a fait allusion à la possibilité que les blocs sunnites quittent le processus politique et a suggéré la formation d’une région indépendante dans l’Anbar. Halbousi exerce une influence politique considérable dans le gouvernorat, qui est non seulement le plus grand d’Irak en termes de superficie, mais qui s’étend également sur une région désertique allant de la frontière syrienne à la frontière jordanienne et à la frontière saoudienne, représentant ainsi la partie occidentale du pays.

Une source politique du gouvernorat, qui a demandé à rester anonyme, confirme que Halbousi organise de nombreuses réunions avec les cheikhs des tribus arabes du gouvernorat en vue de créer ce que l’on appelle l’Anbar autonome.

Certaines sources politiques irakiennes considèrent que ces actions soutiennent le projet du « deal du siècle » de Washington qui vise à réinstaller les Palestiniens — les Émirats arabes unis et la Grande-Bretagne étant identifiés comme les principaux partisans de ce projet. Ces sources ont fait état de nombreuses réunions entre Halbousi et des représentants émiratis à Abou Dhabi et à Bagdad au cours des derniers mois.

Le « deal du siècle » de Trump a également rompu avec des décennies de politique américaine en reconnaissant Jérusalem comme la capitale indivisible d’Israël, une décision qui n’aura pas manqué de contrarier les Arabes et les musulmans du monde entier.

Ce plan prévoit le déplacement des Palestiniens, en particulier ceux de Gaza, et la création d’un petit État pour eux dans le désert d’un pays arabe, comme le rapportent divers articles de presse, dont un du site Ultra Iraq en mai 2019 et intitulé « L’Anbar fait partie du deal du siècle ».

L’ambition de l’Occident : remodeler l’Asie de l’Ouest

Qais al-Khazali, le secrétaire général du mouvement Asaïb Ahl al-Haq, a averti dans un communiqué qu’« Israël vise à occuper l’Irak pour mettre en œuvre la prophétie biblique [de l’Euphrate au Nil est votre pays, ô enfants d’Israël] », appelant ses partisans à se préparer à « une bataille majeure à venir si le pays et ses valeurs sacrées sont exposés à un nouveau danger ».

S’adressant à The Cradle, Adnan Abu Zaid, chercheur irakien basé à Londres, affirme qu’il existe un plan soutenu par les États-Unis et l’Europe visant à déplacer la population de Gaza et à la réimplanter en Irak. Mais, il estime que « personne ne sera en mesure de mettre en œuvre ce plan, du moins au stade actuel ».

Si le projet consistant à relocaliser les Palestiniens dans l’Anbar n’est peut-être pas réalisable dans l’immédiat, il s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large des États-Unis visant à remodeler la région de l’Asie occidentale, ce qui pourrait conduire à la création de mini-États sectaires susceptibles de manquer d’indépendance politique ou économique par rapport à l’influence des États-Unis et de leur allié, Israël.

Pour ceux qui doutent d’un tel plan visant à déplacer plus de deux millions de personnes d’un pays à un autre, il convient de prendre en compte les tendances actuelles en la matière dans la région de l’Asie occidentale — en grande partie causées par les guerres occidentales — qui a vu des millions de personnes déracinées d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie, de Libye et du Yémen depuis l’occupation de l’Afghanistan par les États-Unis.

(Correspondant en Irak pour The Cradle)

 

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