L’argent du sang : les dix personnalités politiques qui en ont touché le plus du lobby israélien

L’argent du sang :
les dix personnalités politiques
qui en ont touché le plus
du lobby israélien

Par Alan MacLeod

Une publication MintPress News


Lobbying Propagande Démocratie Sionisme Droits de l’homme
États-Unis Israël Palestine
Article

Traduit de l’anglais par EDB () • Langue originale : anglais


Alors que l’attaque israélienne contre Gaza, le Liban et la Syrie s’intensifie, l’opinion publique des États-Unis observe la situation avec effroi. Un nouveau sondage révèle que les Américains sont favorables à un cessez-le-feu permanent avec un ratio de plus du double (incluant la grande majorité des démocrates et une pluralité de républicains).

Malgré cela, seuls 4 % des élus de la Chambre des représentants sont favorables à un cessez-le-feu, même temporaire, et les États-Unis continuent d’opposer leur veto aux résolutions de l’ONU visant à mettre un terme à la violence. Walter Hixson, historien spécialisé dans les relations extérieures des États-Unis, a déclaré à MintPress News :

« Le soutien inconditionnel à Israël et au lobby met constamment les États-Unis en porte-à-faux avec les organisations internationales de défense des droits de l’homme et la grande majorité des nations, en ce qui concerne les crimes de guerre commis par Israël et les violations flagrantes du droit international. Le vote actuel de l’ONU sur un cessez-le-feu à Gaza [auquel les États-Unis ont opposé leur veto] n’est que le dernier exemple en date. »

Hixson fait ici référence au lobby pro-israélien, un ensemble de groupes influents qui dépensent des millions pour des campagnes de pression, des programmes de sensibilisation et des dons aux politiciens américains, le tout dans un seul but : s’assurer que les États-Unis appuient sans réserve les politiques du gouvernement israélien, notamment en soutenant l’expansion, en bloquant la création d’un État palestinien et en s’opposant à la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (Boycott Divestment and Sanctions / BDS) qui ne cesse de prendre de l’ampleur au niveau national.

Sur le plan international, Israël a perdu la quasi-totalité de ses soutiens. Mais, il bénéficie toujours d’un appui majeur : le gouvernement des États-Unis. Cela s’explique sans doute en partie par les efforts extraordinaires déployés par le lobby, notamment en arrosant les politiciens des États-Unis avec des millions de dollars de contributions. Dans cette enquête, MintPress News présente les dix personnalités politiques actuellement en fonction qui ont reçu le plus d’argent pro-israélien depuis 1990.

N° 1 : Joe Biden, 4 346 264 dollars

Le plus grand bénéficiaire de l’argent du lobby israélien est le président des États-Unis. Dès le début de sa carrière politique, Joe Biden, selon son biographe Branko Marcetic, « s’est imposé comme un ami implacable d’Israël », passant sa carrière au Sénat « à apporter un soutien inconditionnel à Israël, même lorsque son comportement suscitait une indignation bipartisane ». Le futur président de l’époque a joué un rôle clé dans l’obtention de sommes record pour l’aide des États-Unis à l’État juif et a contribué à bloquer une proposition de paix avec la Palestine en 1998.

L’appui aux politiques israéliennes s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, Washington insistant sur le fait qu’il n’y a « aucune ligne rouge » à franchir qui pourrait entraîner la perte du soutien américain. En substance, Biden a donné carte blanche au Premier ministre Benyamin Netanyahou pour enfreindre toutes les règles, normes et lois qu’il souhaite.

Il s’agit notamment de nettoyage ethnique et de crimes de guerre tels que le bombardement d’écoles, d’hôpitaux et de lieux de culte à l’aide d’armes interdites comme les munitions au phosphore blanc. En novembre, l’administration Biden a approuvé sans discussion un nouveau programme d’aide militaire à Israël d’un montant de 14,5 milliards de dollars, garantissant ainsi la poursuite du carnage.

Pour son soutien indéfectible, Biden a reçu plus de 4,3 millions de dollars de la part de groupes pro-israéliens depuis 1990.

N° 2 : Robert Menéndez, 2 483 205 dollars

Le sénateur du New Jersey, Robert Menéndez, a reçu près de 2,5 millions de dollars de contributions ; à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre, il a joué un rôle clé dans la mobilisation en faveur d’Israël. Décrivant l’opération Déluge d’Al-Aqsa comme des « atrocités barbares » qui étaient un « affront à l’humanité elle-même », il a prononcé un discours passionné au Sénat où il s’est adressé directement à Biden :

« Monsieur le Président, face à un mal innommable, nous ne devons pas mâcher nos mots. Nous ne devons pas faiblir dans notre détermination. Chacun d’entre nous, dans cette enceinte, a la responsabilité morale de s’exprimer — sans équivoque et sans complaisance — en se tenant aux côtés d’Israël et de son peuple. Cela fait 31 ans que je suis dévoué à cette cause au sein du Congrès. »

« Le sénateur Menendez s’exprime au Sénat pour soutenir Israël, à la suite des attaques terroristes du Hamas » [Senator Bob Menendez]

Menéndez a ensuite affirmé qu’Israël et les États-Unis étaient intrinsèquement liés et avaient été fondés sur les mêmes principes.

Il a également suscité la controverse après avoir demandé que les États-Unis aident Israël à « éliminer le Hamas de la surface de la Terre », alors même que Tsahal détruisait Gaza avec un tapis de bombes.

En octobre, il a coparrainé une résolution du Sénat « aux côtés d’Israël contre le terrorisme » qui a été adoptée à l’unanimité, sans aucune opposition.

N° 3 : Mitch Mcconnell, 1 953 160 dollars

Le chef de la minorité du Sénat, Mitch Mcconnell, est l’une des personnalités politiques les plus puissantes des États-Unis ; il a usé de son influence pour tenter de faire adopter une législation criminalisant BDS. Il a décrit la tactique pacifique comme « une forme économique d’antisémitisme qui vise Israël ».

Il est connu pour être très proche du Premier ministre Netanyahou et a soutenu un projet de loi condamnant les Nations unies et appelant les États-Unis à continuer d’opposer leur veto à toute résolution de l’ONU critiquant Israël. Le mois dernier, il s’est fermement opposé aux mesures prises pour faire appliquer les lois américaines et internationales fondamentales sur les livraisons d’armes à Israël.

En vertu de la législation étatsunienne en vigueur, Washington a le devoir de cesser de fournir des armes aux pays qui commettent de graves violations des droits de l’homme. McConnell a toutefois déclaré qu’il serait « ridicule » d’appliquer ces normes à Israël, en expliquant :

« Notre relation avec Israël est la relation de sécurité nationale la plus étroite que nous ayons avec n’importe quel pays dans le monde, et conditionner notre assistance à Israël au respect de nos normes me semble, en réalité, totalement inutile […] Il s’agit d’une démocratie, d’un de nos grands alliés, et je ne pense pas que nous ayons besoin de conditionner le soutien que, je l’espère, nous apporterons très prochainement à Israël. »

McConnell a reçu près de 2 millions de dollars de la part de groupes pro-israéliens.

N° 4 : Chuck Schumer, 1 725 324 dollars

L’adversaire démocrate de McConnell, le leader de la majorité au Sénat, Chuck Schumer, a reçu plus de 1,7 million de dollars de la part de groupes de lobbying israéliens. Ces dernières semaines, il a pris l’initiative de détourner le débat public sur les crimes d’Israël pour l’orienter vers une prétendue montée de l’antisémitisme dans toute l’Amérique. « Pour nous, le peuple juif, la montée de l’antisémitisme est une crise. Un incendie à cinq alarmes qui doit être éteint », a déclaré le sénateur de New York, ajoutant que « les Juifs américains se sentent montrés du doigt, ciblés et isolés. À bien des égards, nous nous sentons seuls. »

L’idée que la haine antisémite explose aux États-Unis provient en grande partie d’un rapport publié par l’Anti-Defamation League (ADL), qui affirme que les incidents antisémites ont augmenté de 337 % depuis le 7 octobre. Toutefois, le fait que 45 % de ces incidents « antisémites » recensés par l’ADL sont des marches pro-palestiniennes et pro-paix appelant à un cessez-le-feu, y compris celles menées par des groupes juifs tels que If Not Now ou Jewish Voice for Peace, est dissimulé dans les petits caractères. (MintPress News a récemment publié une enquête sur les chiffres truqués de l’ADL, et sur ses antécédents au service d’Israël et d’espionnage des groupes progressistes américains.)

Cependant, Schumer a délibérément tenté d’associer l’opposition aux bombardements par Israël de ses voisins à un racisme antijuif ; il a écrit :

« Aujourd’hui, trop d’Américains exploitent les arguments contre Israël et s’orientent vers un antisémitisme virulent. La normalisation et l’intensification de cette montée de la haine sont le danger que beaucoup de Juifs redoutent le plus. »

Il est même allé jusqu’à qualifier Dave Zirin — un journaliste juif qui soutient la justice pour les Palestiniens — d’antisémite.

En tant que chef de la majorité au Sénat, il a usé de son influence pour faire adopter des programmes d’aide militaire à Israël, alors même que ce pays mène des actions que beaucoup qualifient de crimes de guerre ; il a écrit :

« L’une des tâches les plus importantes que nous devons accomplir est de présenter et d’adopter un projet de loi de financement afin de garantir que nous, ainsi que nos amis et partenaires en Ukraine, en Israël et dans la région Indo-Pacifique, disposions des capacités militaires nécessaires pour affronter et dissuader nos adversaires et nos concurrents. »

Schumer a ajouté que « les sénateurs doivent être prêts à rester à Washington jusqu’à ce que nous ayons terminé notre travail » et qu’ils doivent s’attendre à travailler « en décembre pendant de longues journées et de longues nuits, voire des week-ends », jusqu’à ce que l’affaire soit réglée.

N° 5 : Steny Hoyer, 1 620 294 dollars

À la Chambre des représentants, l’ancien chef de la majorité Steny Hoyer est l’un des plus fervents défenseurs de l’État sioniste. Il a exigé que « le Congrès finance Israël immédiatement et sans condition », donnant ainsi à l’administration Netanyahou le feu vert pour faire ce qu’elle veut.

Ce natif du Maryland, ardent sioniste, a expliqué qu’il pensait que c’est :

« […] le devoir du monde qui a mis de côté une terre, une terre qu’Israël occupe depuis des millénaires, et qui a dit : voici votre lieu de sécurité, voici votre lieu de souveraineté, voici votre lieu de sûreté. »

Au début du mois, il a également voté en faveur d’un projet de loi qui stipule que l’antisionisme est intrinsèquement antisémite, déclarant ainsi que toute critique d’Israël n’est pas valable et est raciste.

Hoyer a reçu plus de 1,6 million de dollars de dons de la part de groupes de lobbying pro-israéliens.

N° 6 : Ted Cruz, 1 299 194 dollars

Au cours de sa carrière, le républicain texan Ted Cruz a reçu 1,3 million de dollars du lobby israélien. Après le 7 octobre, il est passé à l’action en annonçant qu’il était « essentiel » que chaque Américain soutienne Israël « à 100 % ». « Israël va être diabolisé par les démocrates dans les médias corrompus actuels. Nous devons dire clairement que le Hamas utilise des boucliers humains et qu’Israël a le droit de se défendre », a-t-il déclaré, reprenant de nombreux points de vue pro-israéliens classiques.

Il est également allé plus loin dans sa défense des crimes sionistes pendant une interview assez étrange avec Ryan Grim de Breaking Points. Lorsqu’on lui a demandé s’il s’opposait aux responsables israéliens qui suggéraient une attaque nucléaire contre Gaza, il a répondu :

« Je ne condamne rien de ce que fait le gouvernement israélien. Le gouvernement israélien ne vise pas les civils, il vise des cibles militaires […] Il n’y a aucune armée sur la planète, y compris l’armée des États-Unis, qui se donne autant de mal que l’armée israélienne pour éviter les pertes civiles. »

« Ted Cruz POUSSÉ dans ses derniers retranchements sur la question de la guerre entre Israël et le Hamas » [Breaking Points]

Lorsqu’il a été confronté à des déclarations de Tsahal qui réfutaient directement son point de vue et qui soulignaient que l’accent est mis sur les dommages et non sur la précision, il a tourné sa réponse en disant : « Oui, des dommages au Hamas, aux terroristes. » Et quand Grim lui a donné d’autres déclarations d’officiels de haut rang de l’armée qui contredisaient explicitement ses propos, il a rétorqué : « Ce n’est tout simplement pas vrai. Ils ciblent les terroristes », prenant ainsi la défense de Tsahal contre… Tsahal.

N° 7 : Ron Wyden, 1 279 376 dollars

Le sénateur Ron Wyden (D-OR) est depuis longtemps l’un des plus fervents défenseurs d’Israël à Washington, en soutenant la décision du président Trump de déplacer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et en s’opposant à BDS sous toutes ses formes.

En 2017, il a coparrainé un projet de loi définissant comme crime fédéral, passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans, le simple fait pour un Américain de participer ou même d’encourager des boycotts contre Israël et contre ses colonies illégales.

En ce qui concerne les colonies, il a été l’un des plus farouches opposants à la résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies qui les qualifie de « violation flagrante » du droit international.

Pour sa peine, Wyden a reçu 1 279 376 dollars de la part de groupes pro-israéliens.

N° 8 : Dick Durbin, 1 126 020 dollars

D’une certaine manière, Dick Durbin doit sa carrière politique au lobby israélien. En 1982, cet obscur professeur d’université a bénéficié de l’argent de l’AIPAC pour battre le député sortant Paul Findley, fervent défenseur du peuple palestinien.

Le démocrate de l’Illinois a demandé une aide militaire immédiate à Israël et a cosigné une résolution du Sénat réaffirmant le soutien de Washington au « droit à l’autodéfense » d’Israël à la suite du 7 octobre.

Malgré cela, il a irrité certains membres du mouvement pro-israélien en soutenant les initiatives du président Obama visant à réduire les tensions avec l’Iran ; et il s’est maintenant prononcé en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza.

N° 9 : Josh Gottheimer, 1 109 370 dollars

Bien qu’il ne soit en poste que depuis 2017, Josh Gottheimer a déjà reçu plus de 1,1 million de dollars de la part de groupes de lobbying pro-israéliens. Le membre du Congrès du New Jersey a servi de chien d’attaque pro-israélien à Washington, en coparrainant le projet de loi assimilant l’opposition à la politique du gouvernement israélien à de l’antisémitisme et en introduisant une législation visant à bloquer et à criminaliser le boycott de l’État d’Israël.

Dans le sillage du 7 octobre, il a tenté de faire taire un certain nombre de personnalités politiques. Au début du mois, par exemple, il a essayé de faire pression sur l’université Rutgers pour qu’elle annule un événement sur la Palestine auquel participaient l’ancien présentateur de CNN Marc Lamont Hill et l’organisateur et journaliste Nick Estes, qui soutiennent tous deux les droits des Palestiniens et la création d’un État palestinien.

Gottheimer a même provoqué des dissensions au sein de son propre parti, en attaquant la petite aile progressiste des démocrates qui n’ont pas suivi la ligne de conduite sur Israël et le Hamas. « La nuit dernière, 15 de mes collègues démocrates ont voté CONTRE le fait de soutenir notre allié Israël et de condamner les terroristes du Hamas qui ont brutalement assassiné, violé et kidnappé des bébés, des enfants, des hommes, des femmes et des personnes âgées, y compris des Américains. Ils sont méprisables et ne parlent pas au nom de notre parti », a-t-il écrit, faisant un certain nombre d’affirmations très incendiaires et contestables.

N° 10 : Shontel Brown, 1 028 686 dollars

Aucune autre affaire politique ne révèle peut-être autant le pouvoir du lobby israélien que celle de Shontel Brown. En 2021, Nina Turner, socialiste démocrate, coprésidente nationale de la campagne électorale de Bernie Sanders en 2020 et fervente avocate pour la justice en Palestine, s’est présentée aux élections dans la 11e circonscription du Congrès de l’Ohio. Son adversaire était la peu connue mais fortement pro-israélienne Brown.

Shontel Brown a reçu plus d’argent pro-israélien que n’importe quelle autre personnalité politique nationale au cours de ce cycle électoral de deux ans, ce qui l’a aidée à surmonter un déficit à deux chiffres dans les sondages pour vaincre Turner. Plus d’un million de dollars ont été dépensés pour couvrir Cleveland de publicités attaquant Turner. Dans son discours d’acceptation, elle a fait l’éloge d’Israël et a ensuite remercié la communauté juive de l’avoir « aidée à franchir la ligne d’arrivée ».

Depuis lors, elle a soutenu les actions israéliennes à Gaza et rejeté l’idée qu’Israël est un État d’apartheid, écrivant ainsi :

« Soyons clairs : Israël n’est pas un État d’apartheid. Toute autre caractérisation erronée vise à délégitimer Israël, une démocratie robuste, et ne fera qu’alimenter la montée de l’antisémitisme. Je plaiderai toujours en faveur d’une relation États-Unis–Israël forte, fondée sur nos valeurs communes. »

Kirk A. Bado : « Regardez les sacs qui tombent avant la primaire de l’#OH11 de demain. DMFI a dépensé plus pour s’opposer à Nina Turner que presque toutes les autres dépenses extérieures combinées. »

Une force obscure dans la politique américaine

Le groupe le plus connu et probablement le plus influent de la coalition informelle appelée « lobby israélien » est l’AIPAC. Avec un personnel d’environ 400 personnes et des revenus annuels qui dépassent souvent les 100 millions de dollars, l’organisation est une force énorme et conservatrice dans la politique américaine, inondant le système avec des montants gigantesques. Pire encore, le groupe ne divulgue pas les sources de son financement.

L’objectif déclaré de l’AIPAC est le suivant :

« Rendre l’amitié de l’Amérique avec Israël si solide, si certaine, si largement fondée et si fiable que même les profondes divisions de la politique américaine ne pourront jamais mettre en péril cette relation et la capacité de l’État juif à se défendre. »

Pourtant, Israël est largement reconnu, par des organismes internationaux tels que les Nations unies et des groupes de défense des droits de l’homme tels qu’Amnesty International et Human Rights Watch, comme un État d’apartheid. Il exerce un contrôle quasi total sur la bande de Gaza qui, même avant la dernière attaque, était une « prison à ciel ouvert » « invivable ». C’est cet état et ces injustices que l’AIPAC et d’autres cherchent à soutenir aux États-Unis.

L’intransigeance américaine quand il s’agit d’Israël a contribué à faire des États-Unis une nation paria, qui doit constamment opposer son veto aux résolutions de l’ONU et qui a perdu son droit de vote à l’UNESCO.

Non seulement l’AIPAC donne plus d’argent aux républicains qu’aux démocrates, mais il inonde de fonds également les caisses des démocrates conservateurs, en particulier lorsque ces derniers sont confrontés à des candidats progressistes et pro-palestiniens.

En 2022, l’AIPAC a dépensé 2,3 millions de dollars pour tenter d’empêcher la candidate de gauche Summer Lee d’être élue au Congrès ; en vain. En revanche, il s’en est mieux sorti en Caroline du Nord, où 2 millions de dollars ont été versés à Valeria Foushee plutôt qu’à Nida Allam, la directrice de la campagne de Sanders en 2016. Par ailleurs, 1,2 million de dollars de dons à Henry Cuellar pourraient avoir été le facteur décisif d’une victoire, extrêmement serrée, sur l’activiste progressiste Jessica Cisneros dans la 28e district congressionnel du Texas. Et un certain nombre de démocrates éminents du Michigan ont affirmé que l’AIPAC leur avait offert 20 millions de dollars chacun pour qu’ils se présentent aux élections contre Rashida Tlaib, la seule Américaine d’origine palestinienne au Congrès.

« Il est certain que le lobby peut influencer les élections, mais il ne les gagne pas toutes », a déclaré Hixson, auteur de Architectes de la répression — Comment Israël et son lobby ont placé le racisme, la violence et l’injustice au centre de la politique américaine au Moyen-Orient,1 et d’ajouter :

« Il cible tous les deux ans les progressistes de la Chambre des représentants susmentionnés, mais ne peut pas toujours dicter le résultat des élections locales. Ils obtiennent de meilleurs résultats lors de scrutins plus larges ; c’est pourquoi personne au Sénat, à l’exception de Bernie, ne s’attaque à eux. Lorsqu’il s’agit d’Israël, la plupart des politiciens américains sont des hypocrites crapuleux. »

Pourtant, le récent refus de Bernie Sanders d’approuver un cessez-le-feu permanent (position défendue par la quasi-totalité du monde) lui a valu les louanges de l’AIPAC.

AIPAC | Text ISRAEL to 24722 | #StandWithIsrael : « Merci @SenSanders pour votre forte opposition à un cessez-le-feu permanent avec le Hamas.
@FaceTheNation »

Le monde à l’envers ?

En tant que tel, l’AIPAC agit comme un rempart contre les changements politiques progressistes. Dans un environnement politique aussi divisé, peu de sujets unissent les démocrates et les républicains aussi bien qu’Israël et la mise à l’écart des figures de l’establishment. Comme l’a expliqué Hixson à MintPress News :

« À part une poignée de progressistes (Bernie Sanders, Rashida Tlaib, Ilhan Omar, etc.), le Congrès des États-Unis donne invariablement au lobby tout ce qu’il veut, à savoir un financement massif et régulier du militarisme israélien et une série interminable de résolutions qui condamnent les ennemis d’Israël à l’étranger et ses critiques au niveau national. »

La question qui se pose alors est la suivante : pourquoi ? Pourquoi Israël semble-t-il toujours recevoir le soutien total de Washington ? Le lobby est-il vraiment si efficace ? Pourquoi tant de politiciens étatsuniens sont-ils d’accord avec lui ? Mazin Qumsiyeh, professeur à l’université de Bethléem, a décrit Washington comme étant rempli de carriéristes amoraux, en déclarant à MintPress News que :

« [Les sénateurs et les membres du Congrès] ne croient pas à l’argument sioniste. Il s’agit d’intérêts strictement personnels : l’argent, une bonne couverture médiatique et l’absence de chantage, car les sionistes ont leurs sales secrets qu’ils pourraient révéler s’ils sortaient du rang. »

Pourtant, Israël remplit également une fonction vitale pour l’empire américain. La région est non seulement géographiquement stratégique, mais elle abrite également les plus grandes ressources en hydrocarbures du monde. Washington a toujours fait du contrôle des flux de pétrole dans le monde une priorité absolue, et Israël l’aide à y parvenir. Sur le plan militaire, Israël sert d’intermédiaire aux États-Unis, qui confient leurs sales besognes à Tel-Aviv. Il représente donc un « 51e État » officieux et avantageux. Comme l’a dit Joe Biden en 1986 et comme il l’a régulièrement répété, Israël est le meilleur investissement des États-Unis. « S’il n’y avait pas d’Israël, les États-Unis d’Amérique devraient inventer un Israël pour protéger leurs intérêts dans la région. »

« La longue histoire des déclarations pro-israël de Joe Biden » [Middle East Eye]

De nombreuses autres nations ou industries ont fait du lobbying à Washington, mais peu d’entre elles se sont avérées aussi organisées ou efficaces que le groupe pro-israélien. Néanmoins, l’opinion publique, en particulier parmi les jeunes, a commencé à s’en détourner. La fenêtre d’Overton est en train de se déplacer, a expliqué le professeur Qumsiyeh à MintPress News. « Lorsque je suis allé aux États-Unis pour la première fois en 1979, le citoyen moyen ne savait rien de la Palestine ou n’en connaissait qu’une image négative et déformée par Hollywood et des médias partiaux. Les choses ont changé. »

Les choses ont en effet changé. Les rues aux États-Unis se sont remplies de mouvements de protestation contre l’agression israélienne. Des millions d’Américains ont participé à des manifestations de solidarité avec la Palestine, dont des centaines de milliers rien qu’à Washington. Des célébrités se sont expriméest contre l’injustice. Les réseaux sociaux sont remplis de messages de sympathie à l’égard des habitants de Gaza. Là aussi, Israël et les groupes pro-israéliens ont tenté d’utiliser leur poids financier pour influencer le débat, mais avec un effet limité.

Heureusement pour lui, du moins pour l’instant, Israël peut encore compter sur le soutien indéfectible de hauts responsables politiques américains — dont les poches sont remplies d’argent de l’AIPAC — qui détournent le regard pendant que Tsahal est en train de perpétrer un nouveau génocide contre la Palestine.

Sources :


Source de la photographie d’en-tête : Michael Gross
U.S. Secretary of State Michael R. Pompeo delivers remarks at the AIPAC Policy Conference, in Washington, D.C. on March 25, 2019. [U.S. Department of State — taken on March 26, 2019]
https://www.flickr.com/photos/statephotos/40503969163/
[ Public Domain ]


  1. Architects of repression : how Israel and its lobby put racism, violence and injustice at the venter of U.S. Middle East policy (Walter L. Hixson, Institute for Research, 2021) (NdT) 

 

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